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BIOGRAPHIE

Académie Royale des Sciences d'Outre-Mer Biographie Belge d'Outre-Mer, T. VII-B, 1977, col. 93-99


DELLICOUR (Fernand-Maurice-MarieJoseph-Edouard),
Magistrat, Professeur et homme d'affaires (Herve, 2.3.1881 - Liège, 2.2.1968).
Fils d'Alfred et de Nols Marie; époux de Merkens Paula.


Après avoir accompli ses études moyennes au petit séminaire de Saint-Trond de 1892 à 1898, Fernand Dellicour conquiert, avec la grande distinction, à l'Université de Liège, les diplômes de docteur en droit en 1903, et de licencié du degré supérieur en Sciences commerciales et consulaires en 1905, double formation dont fut largement tributaire sa carrière à la fois juridique et diplomatique. Inscrit au Barreau de Liège, il s'embarquera bientôt pour l'Etat Indépendant du Congo, où il effectuera son premier séjour à Borna du 15 mars 1906 au 22 avril 1908 en qualité de substitut suppléant près le tribunal de première instance du Bas-Congo, attaché à la direction de la lustice, puis nommé magistrat par décret du 13 janvier 1908, comme juge suppléant au tribunal de première instance de Borna,

Au cours de son second terme, du 24 septembre 1908 au 4 mai 1911 et toujours à Borna, il assista au transfert à la Belgique de la souveraineté sur le Congo.

Promu le 12 juillet 1910 juge suppléant au tribunal d'appel, il est désigné pour le Katanga, et un arrêté royal du 10 octobre 1910 le nomme procureur d'Etat près le tribunal de première instance d'Elisabethville, faisant fonction de, procureur général.

Son troisième terme débute le 28 octobre 1911 pour se terminer le 3 octobre 1913, et le voit successivement, à Elisabethville, juge suppléant au tribunal d'appel (25 novembre 1911), puis substitut du procureur général près le tribunal d'appel (21 janvier 1913).

Son quatrième séjour s'ouvre le 7 avril 1914 à Elisabethville où il est désigné par mesure provisoire pour diriger le parquet. En septembre 1915, il est mis à la disposition du Général Tombeur en qualité de conseiller juridique en Est africain allemand et d'auditeur général, fonction qu'il exercera jusqu'à l'expiration de son terme le 25 décembre 1916.

Sa cinquième période de service ouverte le 21 août 1917 à Elisabethville, voit sa nomination comme procureur général près le tribunal d'appel par arrêté royal du 13 février 1920, et se clôture le 6 mars 1920.

Le dernier terme du procureur général Fernand Dellicour au service de la Colonie va du 14 novembre 1920 au 10 juin 1923; en fin de congé, en décembre 1923, il entame les formalités pour accéder à la retraite, et sera autorisé, en 1924, à porter le titre honorifique de ses dernières fonctions.

Cette sèche nomenclature des états de service de Fernand Dellicour situe le cadre où s'épanouit sa personnalité.

A Borna, bien qu'attaché à la magistrature, il exerça surtout des fonctions d'ordre administratif à la direction de la Justice.

Le Congo se trouvait en butte à cette époque à une violente campagne anglo-saxonne de dénigrement. F. Dellicour eut, notamment, pour mission de rectifier des accusations tendancieuses largement diffusées, notamment par le Consul de Grande-Bretagne.

Lorsqu'en 1910, le développement du Katanga détermina la création du tribunal d'appel d'Elisabethville, il fut chargé par le Gouvernement d'installer le parquet général, en attendant l'arrivée de Martin Rutten, son premier titulaire. Il rejoignit Elisabethville via l'Afrique du Sud, non sans avoir fait naufrage en vue du Cap.

Il devait apporter à la jeune organisation katangaise l'expérience et les traditions acquises au sein de l'administration et de la magistrature du Bas-Congo.

Il sut les adapter au milieu urbain et industriel nouveau qui naissait sous ses yeux.

Un afflux d'immigrants de toutes races et nationalités bouillonnait dans les campements taillés au cœur de la maigre et désertique forêt katangaise; une société devait s'ordonner autour des autorités légales, et, notamment, la Justice: Fernand Dellicour trouva là une mission à la hauteur de ses aspirations.

Sous la forme nouvelle du « raider » monté du Transvaal, il retrouvait l'ennemi de l'œuvre congolaise, déjà rencontré à Borna: il contribua à l'empêcher de nuire.

Dans plusieurs de ses écrits, source précieuse de renseignements sur cette époque de pionniers, Fernand Dellicour décrit les problèmes posés alors à la magistrature.

Le premier conflit mondial devait éclater au début de son quatrième terme. Choisi au sein de la magistrature pour seconder le général Tombeur, ce n'est qu'au prix d'un voyage pénible qu'il rejoignit le quartier général de la Force publique en Afrique orientale allemande; homme à tout faire des bureaux civils de l'armée, il rendit des services inappréciables dans les négociations diplomatiques, la direction de la justice militaire et l'organisation des territoires occupés.

En novembre 1916, il rédigea un rapport remarquable sur les violations de la convention de La Haye commises par les Allemands.

Revenu à Elisabethville, il seconda puis remplaça son chef Martin Rutten au parquet général.

Ses qualités foncières, dans une région stabilisée mais en pleine expansion, devaient apparaître: son esprit juridique sûr et scrupuleux, ayant le souci de la défense de l'ordre public mais aussi de la modération dans la répression, son ouverture aux problèmes de la vie sociale ambiante et sa prise de ses responsabilités dans la défense de la conscience humaine et des intérêts généraux à longue échéance.

Aussi fut-il chargé plus d'une fois, par la présidence de commissions officielles diverses, de missions bien étrangères à ses fonctions propres. Il s'était marié avec dame Paula Merkens, et fut bientôt père de deux fils.

Les fonctions de chef de cabinet du Ministre des Colonies baron Henri Carton de Tournai qu'il exerça de mars 1924 à mai 1926, lui ménagèrent une époque de transition au seuil de sa nouvelle existence métropolitaine.

Celle-ci fut surtout caractérisée par une féconde carrière académique, à l'Université de Liège depuis mars 1924, où il dispensa à la Faculté de Droit les cours de Législation du Congo belge et les Notions sur les institutions des principales colonies étrangères, et à l'Ecole de commerce, les Notions sur le droit constitutionnel belge et l'Economie congolaise, et dont il sortit professeur émérite en 1951; à ' l'Université coloniale d'Anvers qui deviendra l'Institut universitaire des Territoires d'OutreMer, où depuis 1925 il donnera des cours, notamment ceux de Droit pénal congolais et d'Organisation judiciaire congolaise, dont il ' présidera le Conseil académique en remplacement du Dr Jérôme Rodhain depuis les 2 août 1947, pour accéder à l'éméritat en 1952.

Il eut ainsi l'occasion de former avec bonhommie et compréhension plusieurs générations de coloniaux qui lui conservèrent leur affection et leur reconnaissance.

Cette activité professorale principale ne comblait pas son insatiable besoin de contacts humains; aussi le voit-on se dévouer en diverses directions, sans se disperser, car tout compte fait, les expériences qu'il puisait dans un domaine, se répercutaient sur un autre.

C'est ainsi qu'il fit partie de la commission des pensions civiques du Ministère des Colonies, et la présida de 1944 à 1950.

Il déploya aussi une grande activité comme délégué du Gouvernement au sein de plusieurs sociétés coloniales: il fut délégué de la Colonie auprès de la Société Belgikaor (Mines d'or Belgika), de 1927 à 1949 au Comité minier de la Compagnie des Grands Lacs, administrateur de la Cotonnière coloniale (Colocoton), de la Compagnie immobilière du Congo, commissaire à la Compagnie du Congo pour le Commerce et l'Industrie.

Administrateur délégué en 1927 de l'Office central du Travail au Katanga, il en fut le président à partir de 1945.

C'est en cette qualité de président du conseil d'administration de l'O.C.T.K. qu'il apporta l'actif de la société en liquidation au Centre d'Etude des Problèmes sociaux indigènes à Elisabethville, fut ainsi co-fondateur en 1946 du CEPSI, et devint président du Comité permanent de ce Centre à Bruxelles.

II confia plusieurs articles au Bulletin de haute tenue scientifique, édité par cet organisme. Il rejoignait par là sa participation féconde, traduite par de multiples études, à plusieurs assises du Congrès colonial et à l'Institut Royal Colonial Belge, devenu Académie royale des Sciences d'Outre-Mer dont il fut nommé le 25 juin 1931 membre titulaire de la Classe des Sciences morales et politiques pour en devenir membre honoraire le 4 mai 1956, et au sein de laquelle il présida avec autorité et enthousiasme la Commission de la Biographie coloniale belge.

Il fit aussi partie de l'Institut international des Civilisations différentes.

Il apportait toute son expérience à ces institutions scientifiques, tout en complétant son information par ses relations avec ses confrères.

Par le truchement du Cercle royal africain, il maintenait des contacts avec les vétérans coloniaux; il fut président de leur association de 1940 à 1944 et de 1946 à 1948.

En cette qualité, malgré les difficultés de la guerre, il assura la cohésion des coloniaux de Belgique, et maintint leurs sentiments patriotiques.

Il aimait évoquer les souvenirs de ses débuts en émaillant, non sans humour, les anecdotes qu'il rapportait, de réflexions originales: ces dons en firent le conférencier apprécié que l'on peut deviner à travers ses écrits, et appelé à des tribunes aussi diverses que le Jeune Barreau, la Société scientifique, l'Association des cadres ou le Cercle royal africain de Bruxelles.

Un des thèmes qu'il défendait tant par la parole que par les écrits, et il ne dédaignait pas de s'adresser à la presse quotidienne tant belge que congolaise quand il l'estimait nécessaire, est l'œuvre congolaise qu'il sentait toujours menacée par ses contempteurs, aux masques variables si le but de destruction demeurait identique, et qu'il avait appris à connaître dès le début de sa carrière.

Ses deux fils, à leur tour, avaient entamé après le second conflit mondial, une profession coloniale.

Il espéra reprendre contact avec eux et la terre congolaise lorsqu'il accepta de mettre sur pied et de présider la Commission juridique, administrative et historique du Congrès organisé en 1950 à Elisabethville par le Comité spécial du Katanga.

Il dut renoncer au dernier moment au voyage, la santé de son épouse le retenant en Europe.

En 1952 et en 1953, devenu professeur émérite, il effectua enfin un long séjour à Elisabethville qui lui permit d'assister sur place aux activités fécondes d'un CEPSI qu'il avait contribué à fonder.

Il ne dédaigna pas cependant des contacts plus larges et de collaborer au journal local Essor du Congo.

La perte de son épouse, une santé précaire et le chagrin que lui causèrent les événements du Congo en 1960, le contraignirent à mener une vie de plus en plus retirée; il mourut à Liège au sein de sa famille.


Distinctions honorifiques:

Grand-Officier de l'Ordr e de Léopold. — Commandeur de l'Ordre royal du Lion. — Commandeur de l'Ordre de la Couronne. — Etoile de service du Congo (en or avec deux raies). — Médaille civique de 1ère classe. — Médaille des Vétérans du Congo. — Médaille commémorative des campagnes d'Afrique (1914-1918). — Officier de l'Etoile noire du Bénin.